Bruxelles – septembre 2025. Le logement social, déjà au cœur des préoccupations des Bruxellois, est secoué par un scandale inédit. La Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) a reconnu l’existence de 744 interventions irrégulières dans les dossiers de candidats-locataires. Une révélation lourde de conséquences politiques, administratives et sociales, qui met en lumière les fragilités d’un système censé garantir équité et transparence.
Depuis des années, la Région bruxelloise fait face à une crise chronique du logement social. Plus de 53 000 ménages sont inscrits sur les listes d’attente, certains depuis dix ans ou plus, faute de places disponibles. Dans ce contexte tendu, chaque soupçon de favoritisme ou de manipulation des dossiers prend une dimension explosive. Apprendre que des centaines d’interventions douteuses ont eu lieu dans le système électronique de gestion a donc provoqué une onde de choc.
L’affaire a éclaté début septembre, lorsqu’en commission parlementaire, le député Fouad Ahidar a révélé l’existence d’« activités inhabituelles » dans la gestion des dossiers. Rapidement, le cabinet de la secrétaire d’État au Logement, Nawal Ben Hamou, a dû confirmer l’information : 744 cas ont été identifiés. Concrètement, il s’agirait d’ajouts ou de modifications manuelles non conformes dans des dossiers de candidats, avec des conséquences potentielles sur l’ordre de priorité des listes d’attente.
La gravité des faits a conduit à la démission d’un délégué social, en charge de la supervision de plusieurs Sociétés Immobilières de Service Public (SISP), dont celle de Molenbeek. Un signal fort, mais qui ne suffit pas à apaiser les interrogations. Les associations de locataires, déjà en lutte contre la hausse des loyers sociaux, dénoncent un système « opaque et injuste », tandis que l’opposition réclame un audit indépendant pour restaurer la confiance.
« On parle ici d’un système qui devrait protéger les plus fragiles, pas les exclure par des passe-droits. C’est peut-être la plus grande fraude de l’histoire du logement bruxellois », a lancé Fouad Ahidar. Des mots forts, mais qui traduisent l’indignation croissante.
De son côté, Nawal Ben Hamou tente de calmer le jeu. Elle reconnaît l’ampleur des irrégularités, tout en refusant de qualifier les faits de fraude tant que la justice n’a pas tranché. La SLRB a annoncé vouloir saisir les tribunaux afin de faire toute la lumière sur les responsabilités. Ce sera une étape décisive : la question centrale est de savoir s’il s’agit de simples erreurs administratives en série, ou d’un réseau organisé exploitant le système à des fins illégales.
Ce scandale intervient alors que la SLRB est déjà engagée dans un autre bras de fer judiciaire : elle réclame 66,5 millions d’euros à la Région bruxelloise, avec un procès fixé au 3 novembre 2025. L’affaire des 744 irrégularités pourrait ainsi devenir un dossier connexe, aggravant l’image d’une institution en crise.
Sur le terrain, les conséquences sont directes. Pour les milliers de familles en attente, cette affaire renforce un sentiment d’injustice et d’abandon. Comment croire en la neutralité des listes d’attribution quand des anomalies massives ont été détectées ? Pour beaucoup de citoyens, le logement social est le dernier rempart contre la précarité. Sa crédibilité est donc essentielle.
En toile de fond, ce scandale soulève une question plus large : la gouvernance du logement à Bruxelles. Les problèmes ne datent pas d’hier. Les précédents dossiers du Logement molenbeekois avaient déjà mis en évidence des dérives et un manque de contrôle. Aujourd’hui, l’affaire de la SLRB apparaît comme un révélateur systémique : absence de surveillance efficace, vulnérabilité des systèmes informatiques, et défaillance des mécanismes de contrôle interne.
La crise du logement social bruxellois ne se résume donc pas à une pénurie de logements. Elle met en cause la manière dont les institutions gèrent ce bien commun vital. À l’heure où plus de 53 000 ménages attendent désespérément une solution, l’exigence de transparence et de justice sociale n’a jamais été aussi pressante.
Pour Nawal Ben Hamou et le gouvernement bruxellois, l’affaire est un véritable test de crédibilité. Au-delà des responsabilités immédiates, c’est la confiance des citoyens dans l’État et dans la promesse d’un logement équitable qui se joue.




