D’abord, il faut savoir que l’accompagnement des travailleurs vers un job après un licenciement collectif est prévu dans le cadre de la loi Renault. C’est en quelque sorte la dernière étape de cette procédure.
« Les organisations syndicales peuvent, dans le cadre des négociations, choisir un opérateur qu’ils souhaitent privilégier pour l’accompagnement des travailleurs », explique Aline Bingen, professeure de sociologie du travail à l’ULB et administratrice du Crisp, Centre de recherche et d’information sociopolitiques. « C’est là qu’il y a une possibilité pour les organisations syndicales de demander la mise en place d’une cellule de reconversion en collaboration avec le Forem. »
Les employeurs seront responsabilisés
Déclaration de politique régionale 2024-2029 du nouveau gouvernement wallon
En Flandre et à Bruxelles, une cellule pour l’emploi est également créée pour accompagner les travailleurs. Mais Actiris et VDAB s’associent à des bureaux d’outplacement privés pour l’accompagnement, et non pas avec les syndicats reconvertis en accompagnateurs. C’est l’entreprise qui licencie qui paye ces sociétés. Une grande différence donc avec le modèle wallon où ce sont les pouvoirs publics qui financent les cellules de reconversion.
« Dans un cas, en Wallonie, on a une mutualisation du risque sur l’ensemble de la société. Cela signifie que chaque Wallon paye pour les personnes licenciées. Alors qu’en Flandre ou à Bruxelles, c’est l’employeur qui va payer l’outplacement », analyse Arnaud Le Grelle, responsable Wallonie chez Federgon, fédération des prestataires de services RH qui s’occupent donc de cet outplacement.
Elle a tout intérêt à fermer son siège wallon
Cela peut entraîner des conséquences sur le choix de fermeture d’une usine, selon le directeur de Federgon en Wallonie. « Imaginons une entreprise qui a plusieurs sièges en Belgique. Pour qu’une fermeture lui coûte moins cher, elle a tout intérêt à fermer son siège wallon : cela ne lui coûtera pas un rond. Au contraire, si elle ferme son siège bruxellois ou son siège flamand, elle devra financer le bureau d’outplacement. »
Pour Arnaud Le Grelle, « la Wallonie, avec son système de cellule de reconversion, est véritablement aujourd’hui une exception dans le modèle belge en matière d’accompagnement des licenciements. »
Un tableau auquel Renaud Bierlaire, coordinateur des cellules de reconversion pour la FGTB, veut apporter des nuances. D’abord, dit-il, la Wallonie connaît déjà une forme de mixité dans les cellules de reconversion. « Parfois, des budgets complémentaires sont obtenus auprès des entreprises en restructuration, notamment pour de la formation payante. Exemple pour Caterpillar, les permanents syndicaux avaient négocié entre 1500 et 2500 euros [par travailleur] pour activer des formations qu’on ne trouve pas dans l’offre de formations ‘gratuites’. Donc, la ‘responsabilisation des employeurs’ existe aussi avec le modèle des cellules de reconversion. »
Ces prestations sont partiellement remboursées
Ensuite, ajoute-t-il, il est faux de dire que l’outplacement flamand et bruxellois est totalement payé par le privé. « Si les entreprises qui restructurent doivent effectivement acheter des prestations d’outplacement […], ces prestations sont partiellement remboursées [par le public] en fin d’accompagnement. » Ainsi, dans certaines conditions, pour chaque travailleur de moins de 45 ans accompagné pendant 30 heures par un bureau d’outplacement, l’employeur reçoit 1000 euros de l’Onem, l’Office national de l’emploi. Et si le travailleur retrouve un job dans les 120 jours, alors, ce montant est de 2000 euros.
Renaud Bierlaire voit donc dans les lignes de la déclaration de gouvernement régional d’une part, « la volonté politique de détruire un dispositif public cogéré avec les syndicats et, d’autre part, de répondre aux désirs de Federgon qui est contrariée par le système wallon des cellules de reconversion qui empêche ces entreprises affiliées d’avoir accès au ‘marché juteux des restructurations ‘. »