La guerre commerciale lancée par Donald Trump a-t-elle une logique ? Beaucoup en doutent, la considérant comme un coup de sang stupide. Et pourtant, il y a une logique derrière tout cela. Car ce n’est pas la première fois que l’Amérique nous fait le coup.
Les accords du Plaza : un air de déjà-vu avec Reagan en 1985
Ce que nous vivons aujourd’hui a sa logique propre, mais n’est pas sans précédent. Il faut revenir en 1985. Sous l’Amérique de Reagan, auquel Donald Trump aime se comparer, l’Amérique est puissante, son armée protège le monde libre, son économie tourne, mais les industries sont en difficulté car le dollar est surévalué et l’État croule sous les déficits creusés notamment par les baisses d’impôts et les dépenses militaires. Au sein du parti républicain, des voix s’élèvent pour exiger, oui, des droits de douane. En pleine guerre froide, la menace plane, en particulier sur les pays qui bénéficient de la protection américaine, accusés, oui, de se sucrer sur le dos de l’Amérique en profitant de monnaies plus faibles et de barrières douanières. La menace d’une rétorsion américaine plane, et à l’époque, cela débouche sur un accord entre les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Japon et le Royaume-Uni, resté célèbre en économie : les accords du Plaza.
Résultat de ces accords : le dollar a baissé, l’économie américaine est redevenue plus compétitive au détriment des pays alliés, en particulier le Japon, qui ont, quelque part, payé une partie du déficit américain. Difficile, en effet, de ne pas y voir des références à la situation actuelle, même si bien des choses ont changé depuis.
La guerre commerciale de 2025 : les accords de Mar-a-Lago ?
Marx disait : « Tous les grands événements et personnages de l’histoire se produisent pour ainsi dire deux fois, la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide« . On est peut-être cette fois dans la farce sordide. Dans l’administration Trump, son principal conseiller économique se réfère d’ailleurs à l’accord du Plaza. Stephen Miran constate que, comme en 85, le déficit américain est colossal, la balance commerciale est déficitaire et lui aussi considère que le dollar est surévalué. L’objectif affiché par Miran est clair : faire payer le déficit américain par ceux qui sont accusés de profiter du dollar, c’est-à-dire, aujourd’hui, la plupart des pays du monde. Le problème, c’est que ce que l’Amérique de Reagan avait réussi à obtenir avec l’accord de quatre pays alliés qui concentraient l’essentiel de la richesse mondiale n’est plus possible aujourd’hui. Le rapport de force n’est plus le même, l’Euro protège les Européens, et la Chine est infiniment plus puissante que le Japon des années 80, qui à l’époque était considéré comme le rival économique principal.
La brutalité de Donald Trump sur les droits de douane et le reste
D’où peut-être cette brutalité des mesures annoncées par Donald Trump. Dans les années 80, l’Amérique avait su convaincre ses alliés sans devoir leur tordre le bras. Tous ces pays considéraient que les performances de l’économie du leader du monde libre étaient aussi leur affaire, en particulier pour se protéger de l’URSS. Ce n’est plus du tout le même rapport de force aujourd’hui. C’est là le danger et la fragilité de cette politique. Non seulement il nous est demandé de payer le déficit américain en droits de douane, mais en plus l’Amérique nous lâche stratégiquement contre la Russie, veut nous prendre le Groenland et soutient les partis d’extrême droite contre une Europe accusée d’emmerder l’Amérique.
Bref, tout l’inverse de ce qu’avait fait Reagan dans les années 80 en nous promettant la protection de l’Amérique contre notre collaboration monétaire. C’est la politique d’une brute qui sent que son pouvoir lui échappe, une politique de la revanche. Après l’accord du Plaza va-t-on accepter un accord de Mar-a-Lago ? Par rapport à 1985, nous avons beaucoup plus de moyens (l’Euro) et surtout d’autres partenaires commerciaux pour refuser de brader notre soumission. Alors, l’histoire va-t-elle se répèter comme une farce sordide ?
