Alors comment expliquer que la corruption existe dans nos prisons ? Cette question, on l’a posée à David Scheer. Il est criminologue à l’UCLouvain et il travaille sur les prisons depuis une quinzaine d’années. Selon lui, ce phénomène de corruption est dû à plusieurs facteurs. Le premier a trait à « l’hyper sécurisation des prisons ». « On sécurise la prison en construisant des grands établissements avec des hauts murs, avec de plus en plus de grilles », détaille David Scheer. « Il y a des moins en moins de relations humaines de proximité en détention ce qui peut expliquer en partie la corruption« .
Un deuxième facteur, selon David Scheer, peut être lié au manque de formation des agents pénitentiaires.
Il faut y ajouter le fait que par définition, la prison est un lieu de privation. Les téléphones par exemple y sont interdits. Or, selon Massimo, l’ancien détenu que nous avons rencontré, le fait d’avoir un téléphone en prison est essentiel pour garder un contact régulier avec l’extérieur. « En général, ce sont pour les gens qui ont des enfants à l’extérieur, qui veulent garder contact avec leur famille« . S’il existe bien des cabines téléphoniques en prison, selon Massimo, « les prix sont vraiment beaucoup trop élevés« .
Il faut nécessairement, si on veut accéder à une forme de paix sociale, s’arranger avec la règle.
Un autre facteur selon le criminologue est lié au manque de formation des agents pénitentiaires. « C’est un métier où la formation est très largement insuffisante. Beaucoup d’agents pénitentiaires sont peu formés, voire pas du tout formés« . Selon cet expert, plusieurs agents pénitentiaires peuvent ainsi se retrouver à exercer leur métier sans avoir suivi la moindre formation.
Enfin, un dernier facteur peut expliquer le développement de cette corruption. « Une prison ne peut pas fonctionner en suivant strictement le règlement à la lettre », explique David Scheer. « Il faut nécessairement, si on veut accéder à une forme de paix sociale, s’arranger avec la règle. Par exemple, il s’agit parfois de fermer les yeux sur de la consommation de drogues douces en cellule. Alors, là, la question est de savoir à partir de quel moment, on sort de cet arrangement pour une paix sociale et on rentre dans de la corruption« .
Cet argument, Massimo (nom d’emprunt), la complète. Selon lui, l’usage de drogue douce en prison serait « indispensable ». « Sans ça, les prisons exploseraient« . Selon lui, le fait de « fumer un joint le soir permet de penser à autre chose et de s’endormir« . On retrouve donc ici l’argument du criminologue qui tend à garantir une certaine forme de « paix sociale » en prison.
Mais alors combien de cas de corruption d’agents pénitentiaires ont été recensés ? Cette question, nous l’avons posée à l’administration pénitentiaire mais ils ont refusé de nous donner accès à ces chiffres.
Selon David Scheer, « Il y a un grand chiffre noir. Il y a sans doute un grand nombre de faits de corruption qui ne sont répertoriés nulle part. J’imagine qu’il y a aussi une certaine frilosité de l’administration à dévoiler certains chiffres. Ce qu’on voit, ce n’est donc que la pointe émergée de l’iceberg« .