Un disque dur, contenant plus de 11,9 millions de documents datés de 1996 à 2020, s’est retrouvé entre les mains du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont font notamment partie, pour la Belgique, Le Soir, De Tijd et Knack. Dans ces documents qui contiennent quelques précieux secrets figurent plus de 29.000 bénéficiaires de sociétés écrans, dont 1.200 Belges, rapportent ces médias dimanche soir.

« C’est plus du double que lors des Panama Papers, qui avaient déjà secoué la planète en 2016. Parmi ces bénéficiaires, 35 chefs d’Etat, 133 milliardaires, quelques stars du ballon rond, de grands criminels, une poignée de figures du show-biz et une majorité d’inconnus », écrit notamment Le Soir.

Côté belge, 1.217 personnes de nationalité belge ou résidents du Royaume ont été identifiés. Trente-trois de ces noms figuraient déjà dans les Panama Papers. Ces profils sont variés, allant « du pharmacien à la retraite dont l’épouse vend des lunettes au dealer de hasch, dont le casier judiciaire est déjà bien garni, jusqu’au couple à la tête de salons de coiffure sur la Côte à l’huissier de justice déjà condamné pour escroquerie. Sans oublier ce jeune millionnaire ayant fait fortune grâce aux bitcoins », selon Le Soir.

Des dirigeants internationaux et des célébrités

Sur la scène internationale, plusieurs dirigeants, dont le Premier ministre tchèque, le roi de Jordanie ou les présidents du Kenya et d’Equateur, ont dissimulé des avoirs dans dans des sociétés offshore, notamment à des fins d’évasion fiscale, selon une enquête publiée dimanche par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshore, c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse. Par le biais de ces entités, il a acheté 14 propriétés de luxe aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.

Quant au Premier ministre tchèque, Andrej Babis, il a placé 22 millions de dollars dans des sociétés écran qui ont servi à financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété située à Mougins, dans le sud de la France. Le président équatorien, Guillermo Lasso, a lui logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux Etats-Unis, dans le Dakota du Sud.

Au total, des liens ont été établis par l’ICIJ entre des actifs offshore et 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan, qui ont créé près de 1.000 sociétés, dont plus des deux tiers aux Iles Vierges britanniques.

Parmi les personnalités exposées, se trouvent également la chanteuse colombienne Shakira, le mannequin allemand Claudia Schiffer ou la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar.

Dominique Strauss-Kahn et le Maroc

Apparaissent aussi les noms de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a réalisé l’achat d’un bien immobilier à Londres par le biais d’une société à l’étranger, et de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn. L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d’honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d’impôts, selon les documents examinés par l’ICIJ.

Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais dans le cas des dirigeants, l’ICIJ met en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains d’entre eux avec leurs placements dans des paradis fiscaux.

Le président kényan Uhuru Kenyatta a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption dans son pays et à obliger les officiels kényans à la transparence quant à leur patrimoine. Pourtant, selon le volet des « Pandora Papers » qui lui est consacré, le chef de l’Etat kényan possède une fondation au Panama, et plusieurs membres de sa famille directe possèdent plus de 30 millions de dollars logés dans des comptes offshore.

L’ICIJ, déjà derrière les « Panama Papers »

Créé en 1997 par le Centre américain pour l’intégrité publique, l’ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017. Son réseau compte des journalistes d’investigation dans plus de 100 pays et territoires, ainsi que quelque 100 médias partenaires.

L’ICIJ s’est fait connaître, début avril 2016, avec la publication des « Panama Papers », une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d’un cabinet d’avocats panaméen. Ils détaillaient les avoirs cachés de milliers de clients de Mossack Fonseca, dont des personnalités de premier plan. L’onde de choc qu’a provoqué cette publication a notamment entraîné la démission du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et du chef du gouvernement du Pakistan, Nawaz Sharif. L’affaire a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par le réalisateur Steven Soderbergh, « The Laundromat: l’affaire des Panama Papers », pour la plateforme Netflix.

En novembre 2017, l’ICIJ a publié les « Paradise Papers », basé sur une nouvelle série de documents dont une bonne partie émanait d’un autre cabinet spécialisé dans les montages financiers, Appleby. Parmi les grands noms dont cette enquête a mis en avant les manoeuvres pour dissimuler des avoirs et échapper à la fiscalité, le prince Charles, le champion de Formule 1 Lewis Hamilton ou le groupe Nike.